Philippe Joutard, Histoire et mémoires, conflits et alliance
Résumé: Aujourd’hui, il est partout question de commémoration, de devoir ou d’abus de mémoire. Rapport personnel, affectif au passé, la mémoire semble avoir tout envahi. Culturelle, historique, religieuse, artistique, elle peut se montrer exclusive et intolérante, nuire au vivre-ensemble. Mais elle est aussi capable de susciter la résistance à l’oppression, de sauver une culture, une minorité, d’assurer la cohésion d’un groupe, d’une société, d’une nation. Autre rapport au passé, à vocation universelle cette fois, l’histoire se tient à distance. Fruit de la rationalité, elle cherche modestement et obstinément une parcelle de vérité.
Tout semble donc opposer histoire et mémoires ; les conflits se sont d’ailleurs multipliés, surtout en France. Le pari de l’auteur est pourtant d’en affirmer l’indispensable alliance et d’en proposer les conditions. Les mémoires ont déjà transformé les livres d’histoire, offrant à l’événement et à la biographie une nouvelle jeunesse. Ainsi l’histoire orale a-t-elle donné à comprendre, de l’intérieur, les invisibles, restés à l’écart de l’écriture. Les mémoires obligent les historiens à questionner leur métier, leur fournissent de nouveaux objets d’étude et la possibilité de saisir une réalité jusque-là inaccessible. En contrepartie, l’histoire demeure le seul moyen d’apaiser les mémoires blessées, de permettre aux mémoires concurrentes de cohabiter. La meilleure manière de vaincre l’oubli et de se prémunir des excès mémoriels.
Auteur: Professeur d’histoire à l’université de Provence et à l’École des hautes études en sciences sociales, spécialiste du protestantisme, pionnier de l’histoire orale en France, Philippe Joutard est l’auteur ou le coauteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels La Légende des Camisards (Gallimard, 1977), De la francophilie en Amérique (Actes Sud, 2006) et Cévennes, terre de refuge 1940-1944 (Nouvelles Presses du Languedoc/Club cévenol, 2012).